“Les antisémites, c’est vous !” – Par Patricia La Mosca [Metula News Agency]
UN MAUVAIS REMAKE DE LA MANIF-CHARLIE
J’ai vu et entendu comme tout le monde la vidéo des injures prononcées aux dépens du philosophe Alain Finkielkraut, mais cela n’a suscité en moi aucune surprise. Les gilets jaunes procèdent d’un rassemblement hétérogène dans lequel toutes les composantes de la société françaises peuvent exprimer les revendications qui les caractérisent. Si la participation des banlieues à ce mouvement est très limitée, il est clair, au vu de leur look et de leur façon de parler, que les agresseurs de l’académicien en font partie. Or, dans cette périphérie où je passe une partie de mon temps, l’antisémitisme du type exprimé par ces énergumènes est tout simplement la norme et personne ne tente quoi que ce soit pour que cela change. Il suffit de lire les tags qui colorent chaque pan de mur disponible pour s’en persuader, le dernier en date étant : “Nous sommes tous Mohammed Merah”. Cela concerne des millions d’individus, et je peux vous assurer que si M. Finkielkraut avait la mauvaise idée de “venir prendre la température” dans le 93, je doute qu’il en ressortirait indemne.
Tenter de tirer le moindre enseignement de ce qui s’est passé pour l’appliquer aux gilets jaunes relève de la plaisanterie de mauvais goût, si ce n’est d’une volonté déshonnête de ternir leur image. Il y a certes un réservoir inquiétant de racisme et d’antisémitisme primaires qui enfle dans la banlieue, qui conditionne la vie publique et qui va, indubitablement, exploser un jour ou l’autre ; mais cet antisémitisme-là est issu de l’islam et de la perception des Juifs dans le monde arabo-musulman, et il n’a rien à voir avec celui des élites françaises, partis politiques, gouvernement et presse, qui m’apparaît bien plus pernicieux parce qu’il est intellectuel et donc prémédité.
C’est ainsi que 14 partis politiques, soit presque tous les courants qui composent la représentation nationale, ont invité les Français à participer à une manifestation contre l’antisémitisme qui se tiendra demain (mardi) place de la République. On va essayer d’y recréer l’effet de la manif pour Charlie, qui avait marqué les esprits sans pour autant changer quoi que ce soit à la liberté de s’exprimer contre les religions en général, contre l’islam en particulier. On peut même constater qu’à la suite des assassinats des journalistes de l’hebdo satirique, les confrères qui prennent le risque de critiquer cette religion et ses adeptes sont de moins en moins nombreux. Il n’y a guère que Charlie qui poursuive inlassablement dans sa ligne laïque, les autres journalistes préférant leur quiétude à la narration de l’inquiétante réalité. Qui préfèrent la collaboration que vivre sous le coup de menaces de mort quotidiennes. Les ex-Charlie qui n’ont pas viré leur cuti, que sont Philippe Val et Zineb El Rhazoui, par exemple, en savent quelque chose et sont tributaires d’une protection rapprochée dans toutes leurs évolutions. Il est évidemment plus confortable de répercuter docilement les dépêches délirantes de l’AFP concernant l’ “occupation de la Palestine par Israël”, “le droit au retour des Palestiniens”, ou même “les massacres hallucinatoires que Tsahal perpétrerait contre les Arabes”, pour passer des weekends tranquilles. C’est au détriment des Juifs et c’est devenu licite, légitime, bien noté et main stream jusqu’à l’unanimisme.
Que penser alors de l’organisation du rassemblement de demain, massivement soutenu par la plupart des media ? C’est évidemment préférable aux manifestations de haine antijuive que l’on voit de plus en plus souvent en France et en Europe, aux swastikas sur le portrait de Simone Weil, aux Juden sur les boutiques appartenant à des Israélites et aux “Rentre à Tel-Aviv !”, lancés par des manifestants au philosophe Alain Finkielkraut.
Mais c’est extrêmement dérangeant tout de même.
DENONCER LES EFFETS TOUT EN IGNORANT SCIEMMENT LES CAUSES
J’ai lu attentivement l’invitation à participer à la manifestation de mardi, elle appelle certes à combattre l’antisémitisme, et, je cite, elle convie au “rassemblement face à la hausse des actes antisémites en France”.
Je crains toutefois l’effet Charlie, que cette formulation ne serve à rien, qu’elle dénonce les effets du mal et pas ses causes. Et que, ce faisant, elle ait un résultat conservateur et non destructeur sur la légitimité de l’incitation antisémite.
Ce qui me préoccupe plus que les croix gammées, les insultes antisémites et même les agressions physiques, toutes le fait de racistes décérébrés, de plus en plus nombreux, ce sont leurs causes. Et je ne vois pas un seul mot dans l’appel qui engage à combattre les causes de ce fléau qu’est l’antisémitisme quasi-officiel, l’attisement de la haine des Juifs parmi les Français de souche, ceux qui ne se baladent pas avec un coran dans leur poche.
Or il n’est pas nécessaire d’avoir fait l’ENA pour réaliser que l’on n’atteint pas sans raison une situation dans laquelle plus d’un Français sur cinq croit en l’existence d’un complot juif mondial, et dans laquelle les menaces et violences visant les Juifs augmentent régulièrement, notamment de 74 % l’an dernier.
NOMMER LES RESPONSABLES DE L’INCITATION ANTIJUIVE SYSTEMATIQUE
Il y a des RESPONSABLES à cette situation et des mesures concrètes à prendre. Non seulement ils ne sont pas cités ni dénoncés, mais j’affirme que la majorité des organisateurs de la manifestation font partie de ces responsables et ont sciemment renoncé à prendre les décisions nécessaires à combattre efficacement l’antisémitisme.
La Ména s’efforce d’énumérer et d’analyser les causes de ce néo-antisémitisme depuis bientôt 20 ans !
A commencer par cet exécrable reportage de France 2 en 2000, qu’elle a déconstruit, dans lequel la chaîne publique accusait directement Tsahal d’avoir intentionnellement assassiné un adolescent palestinien, Mohammed Dura. Et depuis, en dépit des quelques 200 preuves indiscutables que notre agence a produites, tous les gouvernements français, toutes tendances confondues, ont couvert l’imposture, se sont activement efforcés de cacher la vérité aux Français avec tous les moyens à disposition de l’Etat, et continuent, 19 ans après, à le faire.
Comment voulez-vous, dans ces conditions, ne pas détester des gens qui “massacrent délibérément (c’est la thèse du reportage) des enfants au fusil-mitrailleur” ?
Nous avons également dit, là aussi avec des dizaines d’exemples et d’analyses à la clé, que l’agence étatique française d’information, l’AFP, reprise par la quasi-totalité des media francophones, y compris en Belgique et en Suisse, incite par ségrégation sémantique à la haine d’Israël et partant des Juifs. Ces media mènent quotidiennement une véritable guerre philologique contre l’Etat hébreu.
Pour comprendre de quoi il est question, je cite un bref passage d’une dépêche de l’AFP reprise par Libération à la fin de la semaine dernière. La dépêche était consacrée à l’assassinat d’une jeune fille israélienne juive, Ori Anbacher, par un terroriste palestinien. On a retrouvé le câblogramme recopié à l’identique dans presque tous les quotidiens francophones :
“Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est rendu dimanche chez les parents de la jeune fille dans la colonie israélienne de Tekoa en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis plus de 50 ans”.
Or les termes de “colonie” et d’ “occupation”, qui signifient la spoliation du pays d’un autre peuple, nettoyage ethnique, sont uniquement réservés à Israël dans les dépêches de l’agence d’information de l’Etat français et de tous nos media. Ce, bien qu’il existe plus de 2 000 différends territoriaux dans le monde, pratiquement tous plus discutables que les revendications israéliennes sur la Judée-Samarie et sur Jérusalem. Mais l’AFP, lorsqu’elle évoque les pays-occupants, ne parle pas compulsivement des colonies russes en Ukraine, turques en Syrie et à Chypre, ni des territoires géorgiens, tchétchène, de la Crimée occupés pas la Russie, du territoire tibétain occupé depuis 67 ans par la Chine à l’issue d’une guerre sanglante. Alors qu’ils sont employés chaque fois qu’Israël est évoquée quel que soit le sujet traité.
C’est de la ségrégation au sens objectif du terme, n’allant pas sans rappeler les lois antijuives du gouvernement français légitime et élu lorsqu’il était installé à Vichy : pour des situations identiques, semblables ou ressemblantes de différends territoriaux (la confrontation israélo-palestinienne n’est rien d’autre qu’un différend territorial entre des légitimités incompatibles), ces accusations ne sont lancées par l’AFP et la presse qui la répercute qu’à propos d’Israël. Ce sont autant d’incitations à la haine, alors qu’il serait très facile pour le gouvernement français de se débarrasser de cette ségrégation intolérable autant que raciste en interdisant le traitement différentiel des Juifs.
Cette ségrégation s’accompagne impérativement de justifications du terrorisme palestinien. En reprenant le même passage de Libération que j’ai préalablement cité, le lecteur est invité à comprendre que, puisqu’Israël occuperait le territoire palestinien depuis 50 ans, ce qui reste naturellement à démontrer, l’assassinat commis par le terroriste palestinien (qui n’est évidemment pas qualifié de terroriste dans la dépêche) sur Ori Anbacher est légitime, car il participe d’une guerre de libération d’un pseudo-colonialisme.
Stéphane Juffa, dans un post privé sur Facebook, assure que l’argumentaire de l’agence de presse du gouvernement et du politiquement correct français serait à la limite recevable [et donc pas antisémite. Ndlr.] si Tekoa était une colonie (la science a démontré que les implantations juives ne correspondent pas aux critères de définition des colonies), si Tekoa avait appartenu à quelque époque que ce soit à un Etat palestinien, et si un tel Etat avait existé et avait contrôlé un territoire quel qu’il fût.
Juffa ajoute (c’est moi qui ai additionné les détails) que ces rappels systématiques, factuellement et historiquement ineptes, sont particulièrement étonnants lorsqu’ils proviennent de l’agence de presse officielle de l’Etat qui est réellement la dernière puissance coloniale de la Planète, régissant la vie de 2.5 millions de colonisés, en admettant arbitrairement que la Corse n’est pas une colonie. La France, qui a assassiné des millions de colonisés, dépeuplé des territoires entiers, notamment en Algérie, à Madagascar et en Indochine afin de tenter de préserver son empire. Ce, tandis que le conflit israélo-palestinien, pris au sens le plus large, depuis 1860, soit depuis 159 ans, a causé la mort de 26 655 Israéliens ou Juifs (avant la création de l’Etat d’Israël en 1948) et de 36 000 Palestiniens environ selon la plupart des sources scientifiques.
ON OUVRE UN AUTRE GRAND DEBAT NATIONAL ?
Du fait de la ségrégation médiatique antijuive et de la guerre sémantique que livre l’ensemble des media tricolores à Israël, de l’Humanité au Figaro, il existe une énorme contradiction avec leur soutien à la manif contre l’antisémitisme de demain. C’est carrément le grand écart. Comment Libération, mais ce n’est qu’un exemple représentatif, peut dans la même semaine publier les arguments qui justifient/légitiment l’assassinat d’Ori Anbacher, et s’émouvoir sur sa manchette de l’augmentation de 74% des actes antisémites en France ? Cette démarche me semble difficile, pour ne pas dire impossible à soutenir.
J’ai évoqué la ségrégation technique d’Israël et partant des Juifs, ainsi que le détournement consistant de la réalité afin, avec la bénédiction des gouvernements successifs, de justifier le terrorisme palestinien, en affirmant que ce sont là les incitations principales à la haine antijuive intellectée en France. Il faut y ajouter le refus d’agir pour combattre réellement l’antisémitisme, ce qui cause mes interrogations relativement au rassemblement de demain.
Car la Ména n’est pas la seule à avoir dénoncé le lien entre la couverture mensongère, d’une hostilité permanente à l’encontre d’Israël dans les media de l’Hexagone, et l’incitation à l’antisémitisme. Il est vrai que, dans ce domaine également, nous avons été des précurseurs en démontrant la cause à effet dès le début des années 2000. Mais, d’une part, nous ne sommes plus les seuls à dénoncer ce détestable phénomène, et de l’autre, les solutions pratiques sont connues des pouvoirs publics. Elles existent !
Cela concerne le narratif du conflit israélo-arabe aussi bien que le traitement des autres foyers antisémitogènes de la République. Le tout est contenu dans un rapport officiel de 2004, rédigé par Jean-Christophe Rufin, un écrivain, médecin et ex-responsable de nombreuses associations humanitaires, diplomate, devenu en 2008 le plus jeune membre de l’Académie française, intitulé “Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme”. Cette vaste étude approfondie avait été commandée à M. Rufin par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales de l’époque, le pourtant infréquentable Dominique de Villepin, qui évoque publiquement, aujourd’hui encore, de prétendus massacres perpétrés par l’Armée israélienne sur des civils palestiniens.
Tout y figure, les sources des problèmes aussi bien que leurs solutions, mais aucune des propositions de mesures urgentes préconisées par Jean-Christophe Rufin n’avait été prise en compte par les pouvoirs publics, et la maladie dont les symptômes étaient tous connus en 2004, faute d’être traités, n’ont fait qu’empirer et vont continuer à s’aggraver.
PERENISER LE DROIT D’ETRE ANTISEMITE, PAS COMBATTRE L’ANTISEMITISME
Le problème inhérent à la manifestation de demain, à l’instar de ce qu’il fut lors de la manif-Charlie, est que lorsque l’on prétend combattre un ennemi sans le nommer, on n’a aucune chance de le vaincre [particulièrement quand on sait qui il est ! Ndlr.]. J’atteste quant à moi l’existence de pompiers pyromanes : en appelant à manifester contre l’antisémitisme, ces partis et media entendent pouvoir continuer sans être inquiétés par personne leur incitation à l’antijuivisme. Avec, à l’esprit, qu’on ne puisse plus les accuser d’être antisémites, puisque ce sont eux qui ont appelé à manifester contre l’antisémitisme. N’est-ce pas un calcul terriblement cynique ?
Et lorsque le Président Macron enfonce le clou en critiquant Tsahal qui tirerait à Gaza sur des manifestants pacifiques, qui sont en fait en très grande majorité des terroristes islamiques armés jusqu’aux dents – le Hamas les a revendiqués en tant que chahids, noms, grades, âges, photographies en uniformes et fonctions à l’appui – cela n’aide évidemment en rien à combattre l’antisémitisme.
Pas plus que les partis écologiques participant à l’appel au rassemblement, qui ont tout simplement “oublié” de condamner le massacre par le feu des cerfs-volants incendiaires palestiniens de la faune et de la flore gagnée par les Israéliens sur le désert, sur 3 300 hectares. Soit, pour être parfaitement lisible, une aire de 33km sur 33km dans laquelle la quasi-totalité des animaux ont été incinérés vivants, de même que tous les arbres et toutes les cultures.
Quant au Parti Communiste Français, il œuvre carrément à l’éradication de l’entité coloniale sioniste, comme ils disent, fort du riche héritage politique de ce que l’on voit dans l’Aveu de Costa Gavras, ou de l’élimination par Staline de tous les médecins juifs d’Union Soviétique ; le PCF, dont les maires décernent la citoyenneté d’honneur à des terroristes palestiniens, dont le seul exploit est d’avoir assassiné des tas d’autres Ori Anbacher, toutes aussi innocentes qu’elle, fait aussi partie du comité d’organisation de la manifestation CONTRE… l’antisémitisme.
A la Ména, nous n’avons pas l’ambition de dire aux gens ce qu’ils doivent faire, car aucun de nous n’a la prétention d’être un maître à penser. Nous nous contentons de présenter les faits et de les analyser avec le plus de discernement et de précision possibles. Et de bonne foi aussi. Ce que je peux dire à titre personnel, c’est que je ne participerai pas à ce rassemblement, car pour moi, il ne vise nullement à éradiquer ou même à combattre l’antisémitisme structuré (secondaire), mais au contraire à procurer une exonération à ceux qui comptent continuer à l’exercer, exactement comme ils le font aujourd’hui. [MENA]