Emmanuel Halperin [Wikipedia]“LES TROIS GUERRES D’ISRAEL” – Emmanuel Halperin – i24 – Publié 26 Octobre 2013

On négocie. Peut être même fait on quelques progrès. Mais les Palestiniens s’obstinent à ne pas reconnaître la légitimité de l’Etat d’Israël. Pour rien au monde nous ne le ferons, claironnent les chefs de l’OLP aussi bien que ceux du Hamas, qui eux ne négocient pas. Certains “réalistes”estiment qu’il ne faut pas se laisser obnubiler par cette attitude de principe, qu’il suffit de s’entendre “sur le terrain”, sur le trace des frontières et les garanties de securite.Ils ont tort. Car il s’agit, depuis toujours, de l’essence même du conflit. Tant que cette question ne sera pas réglée, rien ne le sera. …


Israël, c’est vrai, a mis beaucoup de temps à reconnaître “les droits légitimes des Palestiniens ” (accords de Camp David 1978). Mais le monde arabo-musulman, dans son ensemble, tout en reconnaissant avec une extrême lenteur le fait israélien, ne s’est jamais départi de son refus de principe: Celui d’admettre le droit du peuple juif a l’autodetermination sur la terre d’Israël. Refus massif, absolu, acharne, qui s’est exprime, au fil des années, sous trois formes distinctes, parfois complémentaires.

Il y a eu d’abord l’espoir de tout détruire. La force militaire conventionnelle, celle des armées régulières, devait effacer de la carte, en un tournemain, ce confetti territorial que les Juifs avaient érige en patrie. Les Etats arabes coalises, attaquant sur tous les fronts, avaient échoue en 1948, avaient vu leurs plans déjoues en 1967 et en 1973.

Apres cette douloureuse déconfiture, le monde arabe avait laisse le champ libre au terrorisme palestinien, cette violence dirigée en priorité contre des civils Juifs en Israël et a l’étranger. Mais sans atteindre l’objectif recherché: Voir les Juifs, saisis par la peur de finir calcines dans un autobus, plier bagage. Ce fut la, c’est toujours mais sans réel succès, la deuxième forme de “lutte armée”, que le chef du Hamas a Gaza appelle aujourd’hui a relancer. Israël, première mondiale, a réussi a contenir la guerre terroriste, au prix d’une politique de répression qui a terni son image.

L’image: voici la troisième voie, la troisième guerre, celle des mots, des symboles, des slogans, de l’essentialisme idéologique. On présente Israël comme un accident de l’Histoire, un déni de justice, la conséquence intolérable d’un péché originel. Ce péché? Affirmer les droits d’un peuple qui n’existerait pas, le “peuple juif”, avec des guillemets qui font office de points d’ironie. Les supprimer, m’a explique un intellectuel français, impliquerait la reconnaissance du droit d’Israël à être ce qu’il est.

Dans ce combat, Israël se trouve dans une position malaisée, car souffrant de deux handicaps.

Tout d’abord il faut se mesurer à la difficulté, pour une bonne partie de l’opinion en Occident, à comprendre le cas particulier que représentent l’identité juive et la révolution israélienne. Ignorance de l’Histoire et des réalités, idées reçues,tendance, en France notamment,a ne considérer le judaïsme que dans sa seule dimension religieuse, tout cela offre un boulevard a tous les slogans hostiles, réducteurs ou fallacieux (Etat théocratique, colonialiste, impérialiste….). Contrer cette propagande vulgaire n’est pas chose aisée, car cela requiert une écoute et une pédagogie.

Il y a plus grave. Un curieux renversement de valeurs s’est opere dans les consciences depuis un demi-siècle. La morale existentialiste, fondée sur sur l’affirmation sartrienne “l’existence précède l’essence”, aurait de conférer à l’entreprise sioniste une image positive, sinon exemplaire. L’extraordinaire réussite de la société démocratique israélienne -société certes imparfaite mais perfectible- par l’effort, le travail, l’invention, le sacrifice, la défense des acquis, et cela dans tous les domaines, de l’agriculture a la culture, de la science a l’industrie, tout cela aurait du relativiser sinon effacer le discours essentialiste des ennemis jures d’Israël. A savoir que toute cette entreprise n’est rien, vraiment rien, face au droit inaliénable des Arabes sur une terre d’Islam – une parcelle du Dar el Islam.

Or nous assistons a la démarche inverse: l’essence revendiquée est magnifiée, portee aux nues jusqu’à prendre un caractère quasi sacre, et cela même par ceux qui, ailleurs, se targuaient de privilégier l’action et le génie réalisateur. Dans de pareilles conditions, toute confrontation idéologique entre Israël = existence et Palestiniens = droit consacre l’infériorité de la position israélienne.

Aussi, lorsque s’ouvrent des négociations, le dialogue est faussé. Israël parle le langage de l’existentiel, ses interlocuteurs celui de la légitimité une et entière. Dialogue de sourds, et qui ne peut aboutir. Il est donc impératif d’user de la langue que nos voisins nous imposent. Celle du droit des peuples. David Ben Gourion, le fondateur, l’avait déjà compris à la veille de proclamer l’indépendance. Au texte de la déclaration on ne peut plus existentialiste qu’on lui avait soumis, il avait ajoute quelques mots. Pour lui, ce pionnier, cet homme d’action, L’Etat d’Israël était fonde, au delà de toute autre considération, sur “le droit naturel et historique du peuple juif”.C’était l’essentiel. Ca l’est toujours.

Dans toute négociation, face à l’essentialisme arabe, c’est ce droit qu’il faut exposer, revendiquer et défendre. Seuls ceux qui parlent la même langue peuvent vraiment se comprendre et voir leur dialogue aboutir.

Emmanuel Halperin est un journaliste israélien sur la chaîne parlementaire, ancien présentateur et chef du service étranger à la télévision publique.

http://www.i24news.tv/fr/opinions/131026-les-trois-guerres-d-israel



i24news – foto: Emmanuel Halperin [Wikipedia]